Dans son film « Quand on a 17 ans », André Techiné aborde de nombreux sujets aussi intéressants que :
- la naissance du désir sexuel et l’acceptation de la sexualité
- l’adoption et le sentiment d’isolement
- l’épreuve du deuil et la brutalité de la disparition d’un être cher
- l’agressivité
- le sentiment d’être différent, comme coupé des autres et coupé de son humanité
Le film m’a donné envie de partager quelques réflexions sur la quête adolescente de l’identité sexuelle et sur le processus par lequel on devient homosexuel.
Adolescence et orientation sexuelle
Bien des ados ont des doutes sur leur orientation sexuelle et cela peut les angoisser car il n’est pas facile de se rendre compte ou d’admettre qu’on est différent : cela peut fait peur d’assumer la différence de son désir, que ce soit seul face à soi même ou face aux autres.
Le désir homosexuel est quelque chose de commun à cet âge de la vie car l’adolescence est justement faite pour explorer et développer sa sexualité et je pense qu’il est important que les ados sachent qu’ils peuvent passer par une expérience homo sans être, ni devenir homosexuel.
La sexualité est complexe, et elle comprend chez tout le monde, hétéro et homo de nombreuses facettes.
Si une personne a du désir pour une autre du même sexe cela ne fait pas d’elle une personne homosexuelle. Le désir ne suffit pas pour faire l’identité et d’ailleurs les actes ou les expériences ne suffisent pas non plus.
L’identité sexuelle c’est quoi ?
L’identité sexuelle est faite de plusieurs niveaux qui s’imbriquent les uns dans les autres comme le désir, le comportement sexuel, l’acceptation de soi et l’authenticité à se reconnaitre en tant que tel.
On peut même ajouter la notion de fierté quand il s’agit de se revendiquer en tant que personne gay.
« Quand on a 17 ans » illustre l’expérience subjective de deux adolescents qui sont en quête de leur identité personnelle et il nous rappelle à travers leur rencontre que l’identité homosexuelle n’est pas donnée et qu’elle se construit peu à peu.
Dans cette construction, une question vient se poser inévitablement :
« Suis-je homosexuel ? »
Une question qu’on ne se pose jamais quand on est hétérosexuel.
Une question qui peut surgir à l’adolescence comme à l’âge adulte et si elle parle d’identité (« être homosexuel ») elle peut pourtant s’arrêter simplement au comportement ou au désir ou à l’amour. Et d’ailleurs suffit-il d’aimer une personne du même sexe pour être homosexuel ? Qu’en pensez-vous ?
La question « Suis-je homosexuel ? » n’a pas de réponse claire et immédiate.
C’est un processus à l’intérieur de soi avec des étapes qui peuvent se distinguer comme
- la prise de conscience du désir,
- le premier contact sexuel,
- la première relation amoureuse etc.
- différentes étapes jusqu’à pourvoir reconnaitre son orientation sexuelle avec tranquillité et la vivre dans acceptation inconditionnelle.
Adolescence, désir et sentiments
Une force du film de André Téchiné est d’illustrer que nous n’avons pas toujours conscience de nos désirs ou de nos sentiments et qu’il est difficile de les reconnaitre ou de les exprimer : une personne peut être amoureuse d’une autre sans percevoir d’excitation sexuelle, elle peut par exemple seulement ressentir le besoin d’avoir un contact physique avec elle ou même l’envie de se battre avec elle comme c’est le cas dans le film…
L’amour peut se manifester d’abord comme une jalousie, comme un rejet ou comme de la haine à l’égard de l’autre.
Ainsi la rencontre des deux héros, Damien et Thomas se construit pas à pas au fil d’une année scolaire. Elle capte l’attention car elle se fait d’abord dans la rivalité, dans l’agressivité et le rejet jusqu’à devenir un début d’histoire d’amour.
C’est difficile pour un adolescent de reconnaitre ce qu’il ressent, de comprendre ses désirs et fantasmes et de les éprouver comme homosexuels.
André Téchiné pousse ses acteurs au combat physique puis jusqu’au désir consommé. Si Damien est effrayé par son excitation, Tom lui, est troublé par cette relation, et sa sexualité reste plus mystérieuse.
L’identité sexuelle comme un processus
Dans le processus qui mène à l’identité sexuelle nous développons des opinions, des certitudes, des croyances, des peurs, des doutes, des fantasmes, mais aussi des valeurs personnelles, des références, des modèles, des permissions ou des interdictions… et le but est peut-être de s’approprier son homosexualité dans son entièreté.
Car derrière les actes sexuels, derrière les désirs et les sentiments une fois reconnus, il y’a bien l’idée de s’accepter, de s’assumer et de se sentir suffisamment libre à l’intérieur de soi et face à la société pour pouvoir vivre une vie satisfaisante et se sentir digne d’être heureux.
« Quand on a 17 ans » montre un jeune homme qui se méfie de son propre désir et de ses sentiments qui lui paraissent dangereux, honteux et il préfère d’abord s’en couper pour se permettre plus tard de les accueillir.
En découvrant son homosexualité, en s’ouvrant à son désir le héros rencontre une nouvelle part de lui qui lui fait peur mais qui est bien vivante, irrépressible et qu’il tente d’apprivoiser à travers la sexualité (il cherche à être initié par un adulte malgré toute la confusion que cela créé en lui ) puis à travers l’amour et à travers l’évidente acceptation de sa mère. C’est d’ailleurs une force du film de montrer une famille, où les choses se disent ouvertement,tranquillement où l’on peut parler de sa vie privée et des sentiments.
Au delà de certains aspects du film qui peuvent paraitre crus ou très explicites, je crois que André Téchiné et sa scénariste ont mis en scène une oeuvre bienveillante et chaleureuse pour chacun des personnages et ce malgré les épreuves douloureuses qu’ils traversent et les difficultés pour se reconnaître et s’accepter.
De l’expérience à l’identité homosexuelle
Etre ou devenir homosexuel c’est à la fois une expérience sensorielle, une expérience affective, une orientation sexuelle qui se généralise, tout cela au service d’une identité qui se construit petit à petit. Elle implique des périodes de confusion et d’incertitude, de doute, de solitude, de conflits internes avec des questions et des sentiments à explorer.
C’est justement ce à quoi sert un espace d’écoute ou de thérapie. Et si l’espace proposé est orienté gay ou gay friendly c’est pour que chacun dans sa quête, ado ou adulte, puisse se sentir rapidement à l’aise par rapport à son orientation sexuelle.
Pour certaines personnes, l’homosexualité est une partie essentielle de leur identité et elles préfèrent choisir un psy, un thérapeute gay ou gay friendly pour sentir une confiance plus immédiate : c’est plus facile pour elles de pouvoir ainsi parler de leurs sentiments, de leur insécurité, de leurs fantasmes etc. et de pouvoir, avec le psychothérapeute, assumer et apprécier leur différence.
Un thérapeute gay ou un psy gay friendly est sensible et ouvert aux particularités de l’identité homosexuelle et il peut explorer avec chacun le processus par lequel, il ou elle a construit cette identité depuis ses premiers désirs et ses premières expériences jusqu’au présent de sa vie.
Un professionnel est là pour permettre à chacun de développer une communication personnelle plus intime et pour accompagner quelqu’un vers son identité pleine, intégrée et non pas confuse ou morcelée.
Malgré bien des progrès, je pense qu’il est difficile pour un(e) ado de s’accepter homosexuel. Il y a « le regard des autres », souvent hostile, même dans la famille, parfois accompagné d’insultes et de violences. En France, après le « mariage pour tous », nous avons eu la « manif pour tous » relayée par « sens commun » et autres ennemis évidents de l’homosexualité. Comme si cette dernière était « dangereuse », « contagieuse » ou prédisposait à des crimes sexuels! En core sommes-nous dans un pays « tolérant », mais où les insultes et violences homophobes ne sont guère réprimées. Et il y a l’horreur: dans bien des pays, l’homosexualité est un « crime » passible de « punitions » atroces pouvant aller jusqu’à la torture et la peine de mort. Les homos ne sont pas malades, mais une bonne partie du monde oui. Et gravement!
Merci Jacques de partager votre opinion, et oui il y a certainement encore des efforts à faire dans notre pays même si les insultes et les violences homophobes sont enfin considérées – et traitées – comme des délits. Bien cordialement, SD
Salut
Cet article est intéressant et fait echo à mon propre vécu.
Maintenant personnellement je sais que je suis bien homosexuel mais il a fallu beaucoup d’années pour l’accepter et ne plus rejeter cette homosexualité en moi et m’identifier homosexuel.
Pourtant je le sais au fond de moi que je suis gay depuis mes 11 ans, il y avait ce phénomène récurrent au fond de moi qui se répétait et se répétait depuis l’enfance j’étais tout le temps attiré par les garçons et les filles ne m’intéressaient pas vraiment.
En effet je suis d’accord avec vous ce n’est pas une expérience homosexuelle ado qui fait de nous gay, personnellement je n’ai eu aucune expérience homosexuelle durant l’adolescence car je savais au fond de moi que ca confirmerait ce que je savais déjà et franchir le pas allait entraîner un phénomène irréversible dans ma tête je serai définitivement et irrémédiablement homosexuel.
Donc en dehors de l’expérience sexuelle gaie ponctuelle qui ne fera pas de vous homosexuel, je crois que le critère qui fait que l’on est bien homosexuel.le ado c’est cette récurrence du désir homosexuel et de cette attirance très répétée pour les personnes de même sexe que soi au détriment du sexe opposé.
J’aime dire que mon homosexualité a été à chaque fois plus forte que moi et oser l’experimenter a pendant longtemps été synonyme d’un aller simple irréversible vers une homosexualité que je n’étais pas encore prêt à assumer.
Donc tant que je n’experimentais pas, je restais hétéro dans ma tête.
J’aimerais conclure que c’est une chose de se savoir homosexuel très jeune (comme cela fut mon cas) et s’identifier homosexuel et aux autres personnes homosexuelles. Il m’a fallu plus de 25 ans de lutte avec moi même entre mes 11 ans et maintenant pour m’identifier homosexuel et me construire une identité homosexuelle.
Bonjour et merci pour votre partage.
Il nous faut un temps d’acceptation oui, je suis d’accord avec vous, pas forcément pour « s’identifier », je dirais plutôt pour « intégrer » son orientation ou son attirance sexuelle.
Pour certaines personnes, il leur faut vivre l’expérience pour confirmer leur impression. Pour d’autres, c’est déjà là, a priori, c’est à dire avant même de vivre une expérience sensuelle ou sexuelle.
Je suis d’accord avec vous sur le critère de « récurrence » du désir et de l’attirance, c’est sans doute un indicateur de notre orientation.
Et je comprends que pour vous cette révélation s’est faite sur fond de conflit interne et même d’une « lutte » pour reprendre vous mots, afin de construire votre personne, avec cette orientation sexuelle
Merci encore de partager votre vécu sur mon blog, je suis sûr que votre témoignage sera utile à d’autres qui se posent des questions sur ce qu’il ressentent.
Stéphane Dolly