Je partage mon coup de coeur pour le film Rosalie Blum de Julien Rappeneau, adapté du roman graphique de Camille Jouly.
Dans ce film, l’évolution du héros masculin interprété par Kyan Khojandi illustre un sujet important qui concerne la construction de notre identité et notre manière d’aborder les autres et le monde : ce sujet c’est les croyances.
C’est aussi un sujet important dans mon activité de thérapeute et de coach pour accompagner mes clients.
Car nos croyances conditionnent nos états internes (c’est-à-dire nos ressentis, nos sentiments, nos émotions) et elles président à nos attitudes et nos comportements. Ce sont nos croyances qui créent les limites, conscientes ou inconscientes que nous nous posons.
Qu’est ce qu’une croyance ?
Une croyance c’est « ce que je pense vrai » à propos de moi, des autres, du monde, à propos des situations, des actions, des choses….
Une croyance c’est une affirmation personnelle, une opinion, consciente ou inconsciente, une affirmation subjective qui nous semble naturelle et qui est comme une évidence pour nous.
Nous avons des croyances sur la vie, sur qui nous sommes, sur nos valeurs, sur nos capacités, sur nos comportements, sur l’environnement dans lequel nous évoluons… et nous en avons tout autant à propos ses autres (qui ils ont, ce qu’ils font, comment ils le font , pourquoi ils le font etc.)
Nos croyances ont une influence très importante car elles sont une base de données pour nos opinions, nos interprétations, nos ressentis, nos sentiments, pour nos prises de décision, nos choix et nos comportements.
On peut distinguer deux types de croyances :
- des croyances qui portent sur ce qui est
- des croyances qui portent sur ce qu’il faut faire s’il en est ainsi (ce sont nos règles de conduite ou nos règle de vie )-il y a des croyances qui nous aident, qui nous poussent, qui nous permettent d’atteindre nos objectifs ou d’avoir des comportements appropriés dans un contexte
-et il y a des croyances qui nous limitent, qui nous empêchent de réussir ce qui est important pour nous
Dans chaque situation que nous vivons, nous percevons des faits et nous leur donnons un sens, une interprétation subjective (autrement dit une croyance).
Ainsi nos croyances posent des filtres sur notre expérience : en fonction des faits que nous percevons et du sens que nous leur donnons, nous évaluons quoi faire.
Interpréter, donner du sens et évaluer une conduite à tenir : voilà des opérations mentales incontournables qui génèrent en nous des états internes ( des ressentis, des sentiments, des émotions) aidants ou limitants et qui nous font prendre des décisions au sujet de nos comportements.
Au fond, c’est comme si, dans la vie, nous nous posions sans cesse deux grandes questions :
- Qu’est ce que ça veut dire pour moi ? Qu’est ce que ça signifie ce que je perçois ?
- Qu’est ce que je vais en faire ? Qu’est-ce que je peux faire à partir de ce que je perçois ?
Ces questions nous nous les posons de façon consciente ou inconsciente et les réponses que nous y apportons sont nos croyances et nos règles.
Les croyances ont donc des effets très important sur notre vie : elles nous rendent les choses possibles ou pas, elles nous permettent d’agir ou nous laissent dans l’impuissance.
En fait nous abordons toutes les situations de la vie munis de nos croyances : elles font notre cadre de référence et cela nous est difficile de repérer celles qui nous limitent et de trouver, d’adopter d’autres croyances qui les remplaceraient avantageusement.
Car une fois que nous avons adopté une croyance, nous avons tendance à la généraliser et à la valider coute que coute, quitte à sélectionner ou à déformer dans notre perception ce qui ne concorde pas avec elle.
Même face à des contre exemples, on considère la croyance ou la règle comme vraie, d’ailleurs on dit facilement des choses comme « c’est l’exception qui confirme la règle »
Retenez que plus une croyance est généralisée et plus elle nous limite dans nos choix de comportements.
Bien sûr ces mécanismes de généralisation et de distorsion maintiennent la cohérence de notre système personnel, car c’est très important pour nous d’être dans un monde stable et en (apparente) sécurité… même si cela limite nos choix d’action.
Nos croyances, un système cohérent
Dans notre tête, depuis l’enfance et au fil de notre expérience, nos croyances se sont organisées en un système cohérent.
Elles sont reliées les unes aux autres à travers une logique qui mène jusqu’aux croyances fondatrices de notre personnalité et jusqu’ à nos croyances existentielles.
Ce système de croyances est un peu comme un arbre avec ses racines profondes, avec son tronc massif, avec son branchage épais puis ses branches, ses brindilles, ses feuilles….
Et ce qui peut aider une personne c’est qu’elle puisse reconsidérer d’abord le feuillage, les brindilles, puis les branches un peu plus épaisses…autrement dit les croyances et les règles plus ou moins influentes qui la limitent.
En accompagnant une personne et en lui permettant de réévaluer sa perception d’une situation ou l’interprétation qu’elle lui a donnée ou la décision qu’elle a prise…. elle peut alors se permettre de changer son comportement et réussir ce qui est important pour elle.
Personne ne peut nous faire changer de croyance et s’il y en a qui nous limitent, c’est certainement qu’elles nous ont été utiles dans un certain contexte de notre vie.
Cependant nous pouvons changer nous même nos croyances limitantes et accepter d’ouvrir notre modèle du monde, si nous considérons que c’est le bon moment et que nous avons le bon climat avec un interlocuteur aidant qui nous accompagne avec bienveillance.
C’est un changement qui se fait petit à petit, un changement génératif avec des aller-retours parfois entre nos anciennes croyances et les nouvelles qui sont plus adaptées.
Et au fur et à mesure on se sent à l’aise avec ces nouvelles croyances plus aidantes , plus écologiques.
Pour prendre une métaphore c’est un peu comme quand on quitte une vieille maison qui ne nous convient plus mais qu’on aime bien quand même …. on a parfois besoin d’y retourner un moment.
Ainsi, on n’annule pas ou on n’efface pas des croyances mais on en ajoute de nouvelles qui elles même en créent de nouvelles : on ajoute du choix, de la flexibilité et c’est en ça que le changement est génératif.
Comment se forment nos croyances ?
–A travers l’éducation nous adoptons, nous modélisons les croyances et les règles culturelles, familiales et celles des adultes autour de nous. On les modélise d’ailleurs sans savoir encore que ces adultes peuvent se tromper et qu’ils parlent seulement d’eux-mêmes.
–En réaction à une expérience qui a un impact émotionnel (positif ou négatif) .
Par exemple un jour la prof m’a dit « Tais toi tu ne dis que des idioties », j’ai ressenti un sentiment de honte devant les autres et depuis, je le crois… et je n’ose plus prendre la parole en public ou je me sens mal quand je dois le faire. Il a suffit de cette fois là pour que je généralise ma croyance « parler devant les autres c’est prendre le risque de me faire humilier ».
–Par cumulation c’est-à-dire suite à une répétition d’expériences.
Par exemple à plusieurs reprises quand j’ai voulu prendre la parole à table pendant mon enfance j’ai été coupé dans mon élan. Gentiment coupé…mais coupé quand même. Et j’en ai conclu depuis, que « ce que j’ai à dire n’est pas important » alors je garde les mots et les sentiments non exprimés à l’intérieur de moi…
–Par la combinaison de ces moyens
Rosalie Blum et L’influence des croyances
Dans Rosalie Blum, le héros enfant a vécu l’humiliation et le rejet. Une expérience émotionnelle à partir de laquelle il a évalué ce qu’il convient de faire pour ne plus être rejeté par les personnes qu’il aime : c’est-à-dire ne pas exprimer ses émotions, ne pas communiquer ses sentiments car « c’est dangereux de le faire » (mais on constate que son corps se révolte contre cette croyance et se manifeste à travers des symptômes comme les saignements de nez).
L’expérience qu’il a vécue enfant était contextualisée à sa relation avec sa mère.
Mais elle a donné lieu à une généralisation à partir de laquelle il a pris une décision au sujet de ses comportements en amour avec toutes les femmes.
Et depuis, à chaque relation, son expérience initiale est réactivée, de même que sa croyance et sa décision de comportement…et la relation amoureuse se termine.
Dans le film, c’est grâce à l’amour, grâce à une rencontre différente des autres qu’il va pouvoir reconsidérer ses croyances sur lui et sur les femmes, et s’autoriser de nouvelles possibilités de choix, ouvrir son cœur et prendre sa liberté d’aimer et d’être heureux.
Le film Rosalie Blum est une réussite tendre et mélancolique grâce à des personnages attachants et grâce a un scénario puzzle où chaque histoire, chaque portrait s’imbrique dans les autres et rend les situations réalistes.
Les trois personnages principaux de Rosalie Blum sont en quête de relation et en reconsidérant leurs croyances et leurs frontières personnelles (entre passé et présent) ils se donnent le droit de vivre une vie plus satisfaisante et plus heureuse.
Nos croyances peuvent elles changer ?
Oui et je crois que nous avons besoin de faire des ajustements, des évolutions pour pouvoir nous adapter et conserver notre flexibilité, notre souplesse d’action.
Je rappelle qu’on ne change pas la croyance d’une personne : on peut seulement créer des conditions favorables pour qu’elle puisse la reconsidérer d’elle-même.
Ainsi à travers la relation thérapeutique, identifier ses croyances limitantes permet de mieux se comprendre et d’envisager un changement personnel en profondeur.
Les croyances et les règles qui nous limitent ne sont pas toujours conscientes, on n’identifie pas toujours leur mécanisme complet et pourtant elles déterminent ce que nous ressentons et notre (in)capacité d’action.
C’est pourquoi il est si important de créer un climat psychologique facilitant pour permettre à celle ou celui qui souhaite changer de prendre conscience de ses croyances et de pouvoir les reconsidérer et les faire évoluer.